Comment faire face à la mort selon les exemples de Rilke, Octavio Paz et Seamus Heaney
La poésie nous aide à comprendre certains des mystères du monde, notamment celui de la mort.
La poésie est essentiellement une méthode d'approche et de connaissance du monde. Sa matière première est la subjectivité, et c'est pourquoi un poème est presque toujours comme un prisme qui nous permet de voir un aspect particulier de la réalité tel que quelqu'un d'autre l'a vu. L'émerveillement, la stupeur, l'angoisse sont souvent les moteurs de la poésie : face aux mystères et aux contradictions de l'existence, certains répondent par l'élaboration minutieuse et dévouée d'un poème, avec lequel ils cherchent à expliquer ou à comprendre ce mystère de la vie qui nous semble étrange.
Dans ce catalogue d'événements qui peuvent nous perturber jusqu'à la confusion, la mort est sans aucun doute l'un des plus incompréhensibles. En plus de la douleur et de la peine que l'on peut ressentir émotionnellement, notre raison n'accepte pas facilement l'idée d'une perte qui se produit pour toujours, d'un départ sans retour, du fait que nous avons connu une personne qui n'existe plus.
Cependant, la poésie nous permet d'effleurer le mystère de l'ineffable. Elle nous offre des clés pour comprendre, dans une combinaison unique de ressources touchant à la raison et aux sentiments.
« Enfin, ils n'ont plus besoin de nous, ceux qui sont partis tôt »
Quelle mort n'est pas prématurée ? Si nous pensons à celle qui nous fait encore mal, peut-être pensons-nous aussi que cette personne n'aurait pas dû partir si tôt, qu'elle aurait pu attendre un peu plus longtemps, rester plus longtemps. Cependant, ce n'est pas le cas, et une partie du mystère de la mort est le moment où elle se produit, à mi-chemin entre le fortuit et le fatal, l'imprévu et l'inévitable — "elle se produit, simplement, mûrit, tombe", comme on le dit dans "Muerte sin fin".
Il y a autre chose dans le vers de Rilke : la notion de nécessité. Si la mort offre un certain réconfort, c'est finalement l'arrêt du circuit de la nécessité et de la satisfaction. Dans la version de José Joaquín Blanco, le fragment du poème continue ainsi :
"Enfin, ils n'ont plus besoin de nous, ceux qui sont partis tôt, on se sevre doucement du terrestre, comme on s'émancipe tendrement du sein de la mère. Mais nous, qui avons besoin de si grands secrets, nous qui obtenons si souvent du deuil des progrès heureux, pourrions-nous exister sans eux ?"(Rilke, Élégies de Duino, "Première élégie").
Mourir, c'est d'une certaine manière cesser d'avoir besoin (parce que c'est abandonner tout), mais surtout, pour nous qui restons, c'est sentir que celui qui meurt ne nous a plus besoin, ne nous nécessitera plus jamais, et peut-être, en partie, c'est ce qui nous fait mal. Ne plus être nécessaires à quelqu'un que nous aimons encore, même s'il n'est plus là.
« Je serai matière »
"Le soir du 17 décembre 1997, quelques amis le virent, en compagnie de Marie-José, sa femme, pour la dernière fois. Par moments, la terrible maladie qui le dévorait semblait disparaître, et régnait l'éclat et l'esprit des tertulias d'antan, dont j'ai peu connu, car j'ai été le plus jeune à arriver et à rester à Vuelta, sa dernière revue. Il apprit à ce moment-là, la mort, survenue quelques jours plus tôt, de son vieux camarade Claude Roy. Paz enleva ses lunettes et ne retint pas quelques larmes. Ce fut la seule fois où je le vis pleurer. Alors, il décida de parler de la mort. De sa mort. "Quand j'ai appris la gravité de ma maladie [dit-il], j'ai réalisé que je ne pouvais pas emprunter la voie sublime du christianisme. Je ne crois pas en la transcendance. L'idée de l'extinction m'a apaisé. Je serai ce verre d'eau que je suis en train de boire. Je serai matière."
Celui qui raconte cet épisode est Christopher Domínguez Michael, qui l'a publié pour la première fois dans "La sagesse sans promesse. Vie et lettres du XXe siècle" en 1998, puis dans son "Dictionnaire critique de la littérature mexicaine (1955-2011)". Le protagoniste de l'anecdote est Octavio Paz, qui est décédé presque six mois après le moment où se déroule l'anecdote.
Depuis l'Antiquité, certains croient que la mort est une étape nécessaire pour accéder à un autre plan d'existence, une sorte de royaume bienheureux où la douleur et la souffrance n'existent pas. La version la plus connue de cette croyance est peut-être celle de la tradition judéo-chrétienne (qui a également son pendant infernal de tourments pour ceux qui ont mal agi dans la vie).
Paz, cependant, a dit ne pas croire en la transcendance, ce qui signifie, en d'autres termes, ne croire en rien d'autre qu'en ce monde, en ce que nous pouvons voir, sentir et goûter. "La vie est ce que tu touches", a écrit Pedro Salinas, et, dans ce sens, mourir serait arrêter cette perception, cesser d'avoir conscience du monde et ne plus être que la matière qui a nourri cette vie.
« Noli timere »
Lorsque le poète irlandais Seamus Heaney est mort en septembre 2013, son fils a révélé lors des funérailles que les dernières paroles de son père avaient été "Noli timere", qu'il avait écrites dans un message texte envoyé à sa femme par téléphone portable. L'expression est en latin et signifie "Ne crains pas".
Dans une large mesure, le contenu du message et la personne à qui il était destiné parlent déjà d'eux-mêmes. Du côté du poète, on peut lire une certaine acceptation de son destin imminent, mais ce qui est admirable, c'est qu'au-delà de se lamenter ou de souffrir pour cela, sa dernière pensée est consacrée à sa femme, qu'il a peut-être voulu rassurer, comme s'il lui disait que, après tout, rien n'est si grave, même la mort.
Image : Gustav Klimt, Death and Life, 1910-15, Musée Leopold, Vienne.